La prévisibilité de projet
La prévisibilité de projet consiste à prévoir avec précision le résultat d’un projet suffisamment tôt pour pouvoir identifier les points faibles, prendre des mesures correctives et maintenir le projet sur la bonne voie.
Pour un portefeuille de projets, le concept de prévisibilité peut être étendu à l’ensemble des projets. Dans ce contexte, la prévisibilité consiste à accroître la cohérence et à minimiser les surprises d’un grand nombre de projets.
Traditionnellement, quand des chefs d’entreprise cherchent à déterminer la réussite des projets d’un portefeuille, ils se concentrent sur l’atteinte des résultats attendus. Toutefois, cet écart n’est pas un indicateur fiable puisqu’il ne montre que la différence entre les coûts et le planning réels et prévus (d’ailleurs, un écart est acceptable à un faible pourcentage).
La prévisibilité de projet, elle, se concentre sur la ponctualité des informations dans le cycle de vie du projet, lorsque des changements potentiels de résultats sont identifiés.
Par exemple, dans le secteur de l’ingénierie et de la construction, on estime que 98 % des mégaprojets dépassent leur budget de plus de 30 %. Quelle proportion de ces dépenses pourrait être évitée en prévoyant les dépassements plus tôt et en trouvant des solutions rapidement ?
Pourquoi la prévisibilité de projet est-elle si importante ?
La mise en place de processus et de systèmes qui améliorent la prévisibilité des projets est cruciale pour le succès d’une organisation de plusieurs façons.
Des prévisions effectuées au plus tôt offrent suffisamment de temps pour rectifier le tir, ce qui augmente la probabilité d’atteindre les objectifs et réduit les écarts de résultats. La réponse à une prévision inquiétante peut consister à abandonner certaines exigences, à revoir les objectifs de rentabilité, voire à abandonner le projet. Cependant, plus tôt les décideurs ont la possibilité de prendre ces décisions difficiles, mieux l’organisation se porte, ce qui peut se traduire par d’importantes économies de coûts ainsi que par un meilleur rendement du capital investi (RCE) et par des réductions des coûts d’opportunité.
Par ailleurs, la prévisibilité des projets est aussi importante pour la notoriété de l’entreprise. Les retards chroniques et les dépassements de coûts peuvent avoir un impact négatif sur la perception de l’entreprise. Pour les sous-traitants en particulier, plus leur réputation est entachée, plus il leur sera difficile de remporter de futurs projets. Si les problèmes persistent pendant un certain temps, ils peuvent même réduire la valeur pour les actionnaires et entraîner la ruine de l’entreprise.
La prévisibilité permet aux organisations d’être reconnues pour leur excellence en matière d’exécution et non pour leur capacité à gérer les urgences.
Les piliers de la prévisibilité des projets
La prévisibilité d’un projet nécessite une base solide de bonnes pratiques. Il s’agit d’un processus continu qui nécessite un engagement à long terme, aussi bien des cadres supérieurs que de tous les employés en aval de la chaîne. Elle requiert aussi des mesures incitatives et une culture de prise de décision centrée sur les données.
Voici les cinq éléments constitutifs de la prévisibilité des projets :
1. La gestion de portefeuille
L’objectif de la gestion de portefeuille de projets (PPM) est d’identifier la combinaison optimale de projets susceptibles d’apporter une valeur stratégique maximale à l’organisation.
Pour déterminer le bon portefeuille, les projets sont examinés minutieusement, puis classés et notés afin de mesurer leur contribution potentielle à l’organisation. Il est également utile de les comparer aux indicateurs antérieurs pour obtenir des mesures précoces de la performance du projet.
L’analyse de la disponibilité des ressources est un élément essentiel de ce pilier, car il est nécessaire de comprendre la capacité en ressources et de la comparer à la demande du portefeuille. De cette façon, il devient possible de déterminer s’il y a des obstacles imminents pendant l’exécution. Si jamais les ressources ne sont pas disponibles comme prévu, les organisations peuvent planifier le projet en conséquence. Par exemple, il est possible d’embaucher de nouvelles personnes, de transférer des ressources d’autres projets, de prévoir un budget supplémentaire pour l’achat de nouveaux équipements, etc.
2. La gestion des projets et des contrats
En explorant plus en détail les portefeuilles, nous passons à la gestion des projets et des contrats. Dans le contexte de la prévisibilité, il s’agit d’intégrer les fonctions de changement et de risque au reste de la plateforme du projet. Ce pilier est une reconnaissance de l’évolution de la dynamique des projets et un changement des hypothèses qui existaient au départ, lors du choix du portefeuille. Ces changements doivent être traités rapidement afin d’avoir un impact minimal sur les projets en cours.
En gérant les changements, les risques et les problèmes dans le cadre d’une plateforme technologique globale, vous pouvez automatiquement évaluer l’impact sur les performances et les prévisions du projet, et donc y faire face au plus tôt. Cela permet également de relier les données du projet en temps réel aux mesures de prévisibilité.
3. Les contrôles des projets et des contrats
L’objectif de ce pilier est d’appliquer des contrôles plus stricts en intégrant les fonctions de projet de bout en bout, notamment la comptabilité, la planification, la gestion des ressources, les achats et la budgétisation. Au lieu d’utiliser des solutions fragmentées et cloisonnées pour chacune de ces fonctions, une solution consolidée (une seule plateforme, une seule connexion, une seule base de données) garantit le partage des données entre les différents secteurs du projet et augmente la visibilité globale.
Grâce à l’intégration native et automatisée, les chefs de projet reçoivent des analyses de données et des alertes en temps quasi réel, qui permettent de prendre des mesures correctives en temps opportun. De plus, ces contrôles assurent la transparence et favorisent une culture qui soutient l’analyse de scénarios de simulation et la recherche approfondie de la cause des tendances.
4. La gestion des performances
Pour obtenir un modèle de prévisibilité fiable, vous devez éviter les méthodes de prévision monolithiques, en flux tendu, au profit de méthodes qui ajustent constamment les prévisions durant l’exécution du projet.
Afin d’y parvenir, il est important de recueillir en temps réel des données fiables sur la progression du projet auprès de sources internes et externes, de les rassembler et de les mettre en correspondance avec l’impact réel sur les dépassements de coûts et de délai. Ce processus de mesure de la progression multiméthode permet d’associer la bonne méthode d’avancement aux livrables du projet.
L’autre aspect de la gestion des performances consiste à fournir des mesures au bon moment, c’est-à-dire avant qu’il soit trop tard pour réagir. La création d’outils visuels, tels que des tableaux de bord, peut aider à partager en continu les informations avec les intervenants.
5. La mesure de la prévisibilité
Pour mesurer la prévisibilité avec précision, les projets doivent utiliser des mesures offrant une visibilité sur les délais prévus. Le CII (Construction Industry Institute) recommande deux indices de prévisibilité : La temporalité des coûts normalisée (NCT) et la prévisibilité des coûts (CP = NCT * % écart des coûts). Tandis que la NCT mesure le caractère temporel des prévisions, la CP indique la précision des prévisions en tenant compte de l’importance des écarts.
Si vous créez un graphique à bulles représentant la NCT par rapport à la CP, l’objectif est que le projet se situe à l’extrémité inférieure du quadrant, avec une NCT basse (ce qui indique un délai de prévision plus court) et une CP basse (écart moindre par rapport à la prévision). Ces graphiques peuvent donner une idée précise des différences entre les projets passés et présents.
La mesure de la prévisibilité consiste aussi à intégrer les prévisions aux mesures incitatives. Il peut s’agir d’incitations directes (comme des primes liées à l’envoi de rapports précoces et précis) et indirectes (comme le fait d’établir une corrélation entre une prévisibilité élevée et la compétence et l’intégrité d’une personne). Aussi controversées qu’elles puissent l’être, les incitations à la prévisibilité des projets tendent à servir de régulateur clé du comportement et des biais humains, qui comptent parmi les plus grandes causes de dérapages des projets.
Les bonnes pratiques de la prévisibilité des projets
Bien que la prévisibilité soit un concept intuitif, sa mise en œuvre sur le terrain peut être une tâche énorme pour les organisations gérant des centaines ou des milliers de projets simultanément. En outre, de nombreux facteurs tels que les dépendances des ressources, l’engagement du client, les exigences et le budget entrent aussi en jeu. Chacun de ces facteurs peut changer, ce qui rend l’ensemble du processus de prévisibilité encore plus complexe.
Voici quelques bonnes pratiques pour vous aider à relever le défi de la prévisibilité :
Établir les cinq piliers de la prévisibilité
Une partie importante de ce processus consiste à faire fonctionner efficacement les cinq piliers que sont la gestion des portefeuilles, la gestion des projets et des contrats, les contrôles des projets et des contrats, la gestion des performances et la mesure de la prévisibilité. Comme il s’agit des éléments fondamentaux permettant la prévisibilité, il est important de les mettre en place correctement et d’intégrer les données de ces piliers dans le cycle de vie complet du projet.
Promouvoir une culture de la transparence
La prévisibilité est étroitement liée au facteur humain, qui comprend non seulement les personnes travaillant sur le projet, mais aussi la culture organisationnelle et la structure incitative entourant les projets.
Par exemple, la rétribution de la plupart des projets est liée à l’accomplissement des tâches dans le respect du délai et du budget. Ainsi, si un membre de l’équipe identifie un problème alors que le projet est terminé à 20 %, il n’est pas incité à le signaler à ce stade. Sous l’influence du biais d’optimisme, il pense qu’il réussira tout de même à terminer le projet à temps d’une manière ou d’une autre. En réalité, la situation s’aggrave et le problème est signalé lorsque le projet est terminé à 70 % et qu’il est trop tard pour prendre des mesures correctives. Un signalement tardif peut aussi avoir des répercussions négatives, par exemple un blâme, une microgestion et même, à terme, une culture d’équipe toxique.
Il est donc important de vérifier que les mesures incitatives sont adaptées à votre approche de la prévisibilité des projets. Si l’objectif est de détecter les problèmes potentiels plus tôt, encouragez les signalements précoces et renforcez cette attente lors des réunions et des entretiens individuels pendant toute la durée du projet.
Tirer parti des indices de prévisibilité
L’analyse des écarts de résultats seule ne suffit pas à améliorer la prévisibilité des projets. Le CII a introduit l’indice de prévisibilité comme alternative. Cet indice mesure la capacité d’une équipe de projet à prévoir les performances en matière de coûts et de délais en évaluant trois composantes essentielles :
- Le caractère opportun des prévisions
- La précision des prévisions
- Les écarts à l’achèvement
Le calcul de ces paramètres aide les organisations à se faire une idée des performances de leurs projets en matière de prévisibilité, ce qui révèle indirectement la qualité de l’exécution des projets sans dépassements.
Utiliser la technologie comme catalyseur
La technologie peut fonctionner comme moteur de transformation de la prévisibilité des projets. Toutefois, elle doit être associée à d’autres facteurs, tels que les personnes et les processus.
Selon KPMG, l’intégration des personnes est la pièce manquante à la transformation des performances des organisations axées sur les projets, de la gouvernance et de la technologie. Cette intégration peut faire une énorme différence dans la réussite des projets.
L’utilisation d’une plateforme de performance des projets d’entreprise peut aider à soutenir la prévisibilité à l’échelle des portefeuilles de projets et de l’organisation dans son ensemble. Prenons l’exemple d’une plateforme contenant toutes les données des cinq piliers et capable de calculer automatiquement les indices de prévisibilité, d’appliquer plusieurs méthodes de prévision et de signaler les zones problématiques nécessitant une enquête plus approfondie.
Les organisations peuvent véritablement tirer parti d’une solution fonctionnant comme une plaque tournante centrale des données de projet, collectant les données de milliers de projets internes et métier sur plusieurs années, et utilisant ces données pour améliorer la prévisibilité des projets.
Analyser les données de prévisibilité
Il est très important d’analyser de manière comparative des informations de projet à un ensemble plus large de données afin de reconnaître les problèmes et de tirer la sonnette d’alarme plus tôt. C’est également une méthode utile de mesure et de comparaison avec d’autres projets, régions, divisions, etc.
Toutefois, l’analyse comparative n’est pas facile à mettre en œuvre, car il ne s’agit pas toujours d’une comparaison directe entre différents projets. La plupart des organisations n’ont ni les données ni l’expertise suffisantes pour cela, et les équipes sont souvent réticentes à partager leurs données.
C’est là que les plateformes de performance des projets d’entreprise peuvent être utiles. En offrant une méthode rationalisée de collecte des mesures basées sur la prévisibilité de plusieurs organisations, elles sont capables de consolider et d’analyser d’énormes volumes de données. Elles proposent aussi une fonctionnalité permettant de normaliser les données de mesures en fonction de facteurs externes tels que les modifications réglementaires et l’apparition de risques imprévisibles.
Les défis courants de la prévisibilité des projets
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les projets ont une faible prévisibilité. Pour commencer, nous pouvons les regrouper en deux catégories : le comportement humain et la conception systémique.
Le comportement humain
Dans son rapport sur l’amélioration des résultats et de la prévisibilité des projets, le CII a identifié le comportement humain comme étant le principal facteur de dépassement des budgets de projets, devant les sujets habituels que sont la planification, la définition du périmètre et les problèmes de gestion de projet.
Le biais d’optimisme, qui consiste à croire que les dépassements de budget peuvent être compensés en temps voulu, est un exemple de la façon dont le comportement humain peut avoir un impact négatif sur les projets.
Un autre aspect négatif du comportement humain est le manque d’attention aux détails. Cela peut se traduire par l’affectation d’une quantité insuffisante de ressources, par une mauvaise gestion des modifications et des risques ou par un manque d’intérêt pour les contrôles des processus et des projets. À mesure que les projets prennent de l’ampleur, des erreurs de ce type peuvent devenir impossibles à rectifier ou à gérer.
La conception systémique
La réticence à annoncer de mauvaises nouvelles est liée au manque de transparence et de responsabilité des organisations. Cela amène à se demander si les systèmes fondamentaux de notification sont en place et si les organisations disposent des processus et systèmes adéquats pour choisir une source unique d’informations fiables au milieu du chaos.
Un autre défi fréquent est la faible maturité organisationnelle. Une faible maturité peut se manifester par l’utilisation d’une approche basique et simple de la planification, de l’estimation et de la gestion des risques d’un projet ne tenant pas compte de la complexité de l’environnement. Il se peut aussi que l’utilisation de systèmes et de processus cloisonnés dans divers projets rende très difficile la comparaison des mesures entre elles, les quantités de données ainsi obtenues étant insuffisantes pour prendre des décisions judicieuses.
De nombreux problèmes systémiques sont attribuables à l’absence d’une plateforme de performance des projets d’entreprise dotée des outils nécessaires pour consolider les données et tirer parti des performances passées. L’adoption d’une telle plateforme logicielle peut fournir le mécanisme permettant d’ajuster le comportement humain en incitant les équipes à signaler les problèmes plus tôt, en mettant en évidence les zones à risque de façon anticipée et en liant les mesures du projet au système de récompenses.
Comment obtenir une prévisibilité de projet de pointe?
La plupart des organisations mettent en place des systèmes pour détecter les mauvaises nouvelles de manière anticipée. Le CII indique qu’en moyenne, le signalement des écarts ne commence qu’à 65 % de l’achèvement du projet. Cette statistique peu brillante donne une idée de la raison pour laquelle les projets dépassent constamment leurs délais et leurs budgets.
Afin de repousser les limites de la prévisibilité et de préparer vos portefeuilles de projets à connaître le succès, voici quelques conseils préliminaires :
- Adoptez tous les piliers de la prévisibilité.
- Renforcez ces piliers grâce à une plateforme technologique d’entreprise.
- Mettez en œuvre les bonnes pratiques évoquées ci-dessus.
- Combinez les bonnes pratiques standard avec les données et processus métier propres à votre organisation.
- Automatisez l’intégration, la création de rapports et l’analyse de la prévisibilité.
- Favorisez les comportements transparents et proactifs.
- Mettez en place des systèmes d’incitation encourageant les équipes à signaler les mauvaises nouvelles le plus tôt possible.
La prévisibilité comme mesure progressive
Malgré toute l’importance accordée à la prévisibilité, il faut reconnaître qu’elle sert actuellement de mesure « a posteriori ». L’avenir réside dans la remise en question du statu quo et dans la transformation de ces mesures en indicateurs prédictifs.
Il est certainement possible d’y parvenir si les entreprises utilisent tout le potentiel des plateformes de performance de projets. En agrégeant des données (par exemple, des informations non structurées sur l’état d’avancement, des informations sur les risques et les problèmes, des évaluations de la compétence des équipes) sur des centaines de projets et en appliquant une combinaison d’apprentissage automatique et d’analyse du big data, ces mesures de prévisibilité passées peuvent servir d’outils analytiques prédictifs.
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